Submergé-e par les conflits ? Quand le corps et le passé s’invitent avant les mots

Introduction

Les conflits font partie de la vie. Ils sont inhérents à toute relation, qu’elle soit familiale, amicale ou professionnelle. Pourtant, chacun ne les vit pas de la même manière. Pour certains, un désaccord reste une discussion à gérer ; pour d’autres, il déclenche une vague de stress difficile à contenir, parfois jusqu’à l’épuisement.

Pourquoi une telle différence ?
La réponse ne se trouve pas uniquement dans la personnalité ou la force de caractère. Les réactions face aux conflits sont intimement liées au fonctionnement du système nerveux, aux empreintes laissées par l’enfance et les traumatismes, et à la manière dont notre cerveau associe sécurité et relation.

Pourquoi les conflits nous touchent si profondément

Un conflit n’est jamais seulement un échange de mots. Il engage plusieurs niveaux en nous :

  • Identitaire : être en désaccord peut être perçu comme une remise en cause de nos valeurs ou de notre place.

  • Émotionnel : colère, peur, tristesse ou honte peuvent émerger de façon brutale.

  • Physiologique : le corps réagit immédiatement par une accélération cardiaque, une tension musculaire, une respiration saccadée.

Ces réactions sont naturelles. Elles traduisent l’activation de nos mécanismes de survie. Mais chez certaines personnes, elles deviennent disproportionnées, rendant le conflit envahissant et difficile à gérer.

Le rôle du système nerveux autonome

Le système nerveux autonome régule en permanence notre état interne, sans que nous en soyons conscients. Il agit comme un détecteur de sécurité ou de danger. En cas de conflit, il mobilise l’une de ses stratégies de protection :

  • La lutte : s’imposer, hausser le ton, chercher à convaincre.

  • La fuite : éviter, couper court, s’éloigner.

  • La sidération : se figer, perdre ses moyens, ne plus trouver ses mots.

Chez une personne régulée, ces réactions sont temporaires et s’apaisent une fois le désaccord exprimé.
Chez une personne dont le système nerveux est fragilisé, elles peuvent s’intensifier et perdurer, alimentant ruminations et angoisses.

La neuroception : un radar invisible

Stephen Porges, à travers sa théorie polyvagale, a montré que notre système nerveux dispose d’un mécanisme appelé neuroception : une évaluation automatique et inconsciente du degré de sécurité de chaque situation.
Lorsqu’un conflit surgit, la neuroception peut déclencher une alarme disproportionnée, surtout si l’histoire personnelle contient des blessures relationnelles.

Les empreintes du passé

L’enfance et l’attachement

Nos premières expériences relationnelles posent les bases de notre rapport au conflit. Dans une famille où les désaccords étaient violents ou au contraire niés, l’enfant apprend que le conflit est dangereux ou interdit. Adulte, chaque tension peut alors raviver cette insécurité initiale.

Les traumatismes

Rejet, abandon, humiliation… Ces événements laissent une empreinte durable dans la mémoire implicite. Le corps réagit alors comme si chaque conflit réveillait la blessure originelle, même lorsque la situation actuelle est bénigne.

Les schémas relationnels

Nous reproduisons souvent les modèles observés : crier, se taire, céder ou fuir. Ces habitudes deviennent automatiques et renforcent le sentiment d’impuissance.

La dimension sociale du conflit

Un aspect souvent négligé est le rôle du lien social.
L’être humain est profondément relationnel : notre survie dépend de l’appartenance au groupe. C’est pourquoi un conflit, même minime, peut activer une peur intense du rejet ou de l’exclusion.

Les recherches en neurosciences sociales montrent que le cerveau traite l’exclusion sociale comme une douleur physique (Eisenberger & Lieberman, 2004). Cela explique pourquoi une remarque, un silence ou un désaccord peut “faire mal” bien au-delà du rationnel.

Les conséquences d’une mauvaise régulation face au conflit

Lorsque les conflits sont systématiquement vécus comme des tempêtes intérieures, cela entraîne des impacts à long terme :

  • Sur la santé physique : stress chronique, troubles du sommeil, tensions musculaires, fatigue.

  • Sur la santé mentale : anxiété, ruminations, baisse de l’estime de soi.

  • Sur les relations : isolement, rupture de liens, communication altérée.

Ainsi, mal gérer les conflits n’est pas une faiblesse personnelle, mais une question de régulation physiologique et émotionnelle.

Retrouver de la régulation

Les ressources naturelles

Certaines pratiques permettent de soutenir le système nerveux :

  • La respiration consciente et lente, qui stimule le nerf vague.

  • Le mouvement corporel (marche, étirements) pour évacuer l’activation.

  • L’ancrage sensoriel (se concentrer sur un son, une odeur, une sensation) pour revenir dans le présent.

  • La psychoéducation : comprendre les mécanismes en jeu réduit la culpabilité et favorise la clarté.

Le Biofeedback TNS

Le Training Neuro Sensoriel (TNS) va plus loin en agissant directement sur les bases physiologiques de la régulation.
Grâce au diploscope, il est possible d’observer comment le système nerveux, à travers la vision, organise ou perturbe la perception. Cet outil met en évidence des décalages subtils révélant un état de dérégulation.

Par des exercices progressifs, le cerveau apprend à retrouver un équilibre plus stable. Les bénéfices observés incluent :

  • une réduction de l’hypervigilance,

  • une meilleure capacité à se détendre après un conflit,

  • une plus grande disponibilité pour dialoguer sans être submergé.

Conclusion

Les conflits ne disparaîtront jamais de nos vies. Mais leur intensité et leur impact dépendent en grande partie de la manière dont notre système nerveux et notre histoire personnelle y répondent.
En comprenant les mécanismes physiologiques, psychologiques et sociaux qui amplifient nos réactions, nous cessons de voir le conflit uniquement comme un problème extérieur.

Retrouver une régulation nerveuse et émotionnelle, grâce à des approches comme le Biofeedback TNS, permet d’aborder les désaccords avec plus de stabilité, de lucidité et de bienveillance.
Ainsi, le conflit cesse d’être une menace paralysante pour devenir une opportunité de croissance relationnelle et intérieure.

Références

  • Porges, S. W. (2011). The Polyvagal Theory: Neurophysiological Foundations of Emotions, Attachment, Communication, and Self-Regulation. W. W. Norton & Company.

  • Van der Kolk, B. (2015). The Body Keeps the Score: Brain, Mind, and Body in the Healing of Trauma. Penguin Books.

  • Cozolino, L. (2017). The Neuroscience of Human Relationships: Attachment and the Developing Social Brain. W. W. Norton & Company.

  • Eisenberger, N. I., & Lieberman, M. D. (2004). Why rejection hurts: a common neural alarm system for physical and social pain. Trends in Cognitive Sciences, 8(7), 294–300.

  • Nestor, J. (2020). Breath: The New Science of a Lost Art. Riverhead Books.

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